Com’ de crise : ce que les entreprises centenaires ont à nous apprendre

  • By Marc Unfried
  • Posted juillet 1, 2020
  • Communication, Frugalité

Vision à long terme, investissement sur les hommes et sobriété… ce qui fait leur longévité aujourd’hui, les entreprises centenaires l’ont compris il y a longtemps.

Mais alors que le monde traverse une crise sans précédent, comment les organisations peuvent-elles s’inspirer de leur succès ?

Par Cédric Raguenet de Saint Albin, Directeur de clientèle chez Le Square

Alain Bloch et Isabelle Lamothe ont publié, dans un article paru en 2015 dans la Harvard Business Review (HBR), un résumé de leurs travaux relatifs à la résilience des entreprises centenaires qu’ils avaient détaillés dans un ouvrage paru en 2014.

Leur étude s’inscrit parfaitement dans l’actualité brulante de la crise que nous traversons car elle présente les réactions de ces entreprises, dites résilientes, face aux bouleversements qui peuvent les affecter.

Deux constats sont, à ce titre, très instructifs :

D’une part, une épreuve bien surmontée peut être source de progrès et de croissance durable pour une entreprise.

D’autre part, le récit de son parcours, à mi-chemin entre l’histoire et la communication, participe largement à la construction de la culture d’une entreprise en interne et offre un formidable atout pour la promotion de son image de marque à l’extérieur.

Ainsi, revenir sur les facteurs de succès communs à ces entreprises et identifiés par les auteurs permet de les mettre en perspective avec les métiers de la communication.

L’article d’A. Bloch et I. Lamothe commence par un constat troublant : parmi les 500 plus grosses entreprises mondiales, moins de 40 d’entre elles dépassent les 100 ans.

Le succès de ces organisations centenaires tient en 4 points :

1 – Miser sur la frugalité

Le premier point commun repéré par les auteurs concerne la frugalité de ces sociétés, c’est-à-dire le souci permanent de ne gaspiller ni son temps ni son argent. Cette sobriété financière dans la gestion quotidienne d’une entreprise permet de mieux résister aux aléas divers.

Traduite en-terme de communication, on pourrait associer cette vertu à l’optimisation de ses actions. Éviter à tout prix la communication aseptisée et la compilation de chiffres et autres données macro. S’attacher à l’essentiel, en mettant plutôt en valeur l’histoire des hommes et des femmes qui font vivre l’entreprise.

La frugalité impose également de bien utiliser le facteur temps car dans nos métiers de communicants, le rythme est déterminant pour communiquer au bon moment et ne céder ni à la précipitation ni aux modes éphémères…

2 – Devenir ambidextre

Ou l’habileté à gérer simultanément le quotidien et l’innovation. C’est-à-dire la capacité à consolider ce qui fait l’activité quotidienne de l’entreprise tout en pensant son avenir. L’une des clefs du succès réside ici dans la constitution d’équipes dédiées à la prospective et disposant d’une grande autonomie, ce qui permet de consacrer une juste part à l’innovation totale sans négliger ce qui alimente le bas de bilan.

En-terme de communication cela revient à savoir construire un discours porteur d’une vision tout en restant connecté au quotidien… Le souci premier de l‘activité narrative d’une entreprise doit être d’embarquer tout le monde dans son récit.

À l’instar d’un Christophe Dugarry, dont la sélection fut largement contestée lors de la Coupe du Monde 98 de Football (et pourtant auteur du premier but libérateur), il ne faut pas sous-estimer les artisans du quotidien car ils sont souvent indispensables à l’achèvement des grandes conquêtes.

Le secret tient donc dans l’équilibre entre le concret et l’abstrait. Saint-Gobain constitue également une bonne illustration de ce paradigme. Un quart de ses produits vendu aujourd’hui n’existait pas il y a cinq ans. Le groupe dépose environ 400 brevets par an. Pour autant les équipes de Saint-Gobain Recherche (en charge de l’innovation) puisent dans l’étude du quotidien les inspirations à l’origine des grandes innovations de demain.

La seule approche technique perd de vue le ressenti des usagers et fait courir le risque de passer à côté de son marché.

3 – Initier un pacte social durable

Ce qui caractérise les entreprises centenaires tient également dans le pacte fait avec leurs salariés et sa traduction dans les faits à travers la valorisation et la sécurisation de leurs parcours de carrières. On investit dans la durée, on vise la stabilité des effectifs, fidèle en cela à son objectif de frugalité. Dans la même veine, le droit à l’erreur est assumée jusqu’à faire l’objet d’une responsabilité partagée, favorisant ainsi la prise de risque indispensable à l’innovation.

« Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte » disait Churchill.

L’application de ces principes à nos métiers de la communication consiste à s’appuyer sur les ressources internes pour porter les différents messages que l’on souhaite transmettre. C’est précisément la tendance actuelle des pratiques de communication qui visent à déléguer la parole aux niveaux les plus proches des sujets traités ou du marché concerné. Exploiter les outils existants pour personnaliser la communication et valoriser ainsi les personnes derrière les produits et les services. Oser l’originalité et capitaliser sur les connaissances et le naturel de ses collaborateurs pour offrir un visage authentique et convaincant.

4 – Faire le choix de la stabilité et de la longévité

Ancienneté des dirigeants, faible turn-over des collaborateurs, pérennité et vision à long terme plutôt que performance immédiate, tous ces ingrédients participent au caractère durable de l’organisation et au final à sa résilience.

Mais au-delà des mots, ce sont les faits qui donnent du sens à ces trajectoires. Les « meneurs d’homme » de ces entreprises centenaires l’ont bien compris à l’exemple du Groupe Fives. Il suffit de parcourir le site de ce dernier pour y découvrir le livre interactif retraçant ses 200 ans d’histoire. On y découvre 120 pages de péripéties, de crises traversées et de ressorts déployés pour donner un avenir à cette entreprise « survivante ». Comme le dit Frédéric Sanchez, Président du Directoire, à ses intervieweurs : « Grace à ce travail de mémoire, nos organisations comprennent qu’elles sont des survivantes et découvrent ce qui leur a permis de durer. Tandis que les autres continuent à se croire immortelles… »

Les auteurs poursuivent leur démonstration en citant la nécessité du mythe pour faire société. La Silicon valley, en tant que petite soeur immature, n’échappe pourtant pas à la règle. Ses dirigeants ne sont pas avares en contes de fées entrepreneuriaux. Le mythe du génie dans son garage a fait florès. Il ne faut pas pour autant réduire les récits d’entreprises à de « belles histoires » à raconter.

Ces récits possèdent une puissante capacité de fédération et de structuration des dynamiques d’entreprise. Elles permettent de donner corps à une culture qui par nature est difficilement palpable. On dépasse ici le simple cadre de la communication pour toucher à l’édification d’un socle managérial indispensable.

Ce qui fonde le récit est ancré dans les valeurs et les comportements des hommes et des femmes qui ont fait l’histoire de l’entreprise et sa pérennité plusieurs centaines d’années plus tard.

Nul doute que nous aurons besoin de cohésion et d’abnégation pour sortir vainqueur de la crise à venir.

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